Merci Patricia pour ce long article consacréà notre doyen. Je croyais tout savoir sur le sujet mais je m'aperçois que non. Je me permets de transcrire cet article pour ceux qui ne lisent pas S-O Coucou et une pensée pour tous les amis lugosiens d'Aquilugos.
Bassin d’Arcachon : l’ancien maire de Lugos Jean-Paul Salefran a fêté ses 107 ans
Né en 1911, Jean-Paul Salefran a étéélu maire de la commune en 1959. Il a raconté sa longue histoire aux enfants du Conseil municipal des jeunes qui lui ont rendu visite
Lugos, plus petite commune de l’arrondissement, compte parmi sa population un administré qui vient de fêter ses 107 ans. Jean-Paul Salefran, né le 1er décembre 1911, n’est pas n’importe qui dans la commune. Il a été soldat et résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi maire et patron d’une scierie. Retour sur plus d’un siècle de vie et d’histoire.
Son père, Louis Salefran, était exploitant forestier et propriétaire d’une scierie qui fabriquait du parquet, des coffrets et caisses pour le vin, le poisson… Sa mère, Élise, élevait les trois enfants, Jean-Paul, Henri et Antoinette.
À 12 ans, Jean-Paul poursuit sa scolarité au collège Grand-Lebrun à Bordeaux. Baccalauréat en poche, il part en Angleterre, à Cardiff, travailler quelques mois dans une mine à charbon. L’année suivante, il se retrouve à Barcelone. L’année suivante, il devance l’appel et se retrouve en Tunisie pendant un an. De retour en France, il est envoyéà l’école de Saumur, d’où il sort sous-lieutenant.
Trois mandats de maire
Après le service, il revient à Lugos travailler avec son père. Il se marie en 1935, dans les Vosges, d’où est originaire Bernadette, une amie de sa sœur. Ils resteront mariés 72 années.
Au lendemain de la guerre (lire ci-dessous), le 16 août 1945, un terrible incendie ravage la forêt de la région. « C’était une énorme catastrophe ! Il a fallu faire face. » Silence. « Les conséquences économiques ont été terribles. Ça a tué mon père ! Il n’y avait plus de bois. Ou très peu. On a eu du mal à donner du travail aux gens du pays. L’usine a tourné au ralenti. J’ai dû aller travailler à Bordeaux dans une société qui exportait du bois de mines. »
En 1959, à 48 ans, Jean-Paul Salefran est élu maire de Lugos. Comme son père Louis, son grand-père et son arrière-grand-père. Il fera trois mandats. « Les maires, à cette époque, étaient très libres, avec beaucoup de pouvoir. » Il rend hommage à Mme Baleste, « une secrétaire de mairie extraordinaire », décédée à 100 ans. « J’ai voulu mettre en place des infrastructures pour que Lugos garde son aspect rural. J’ai créé des routes, des pistes, programmé une « rocade » tout autour du village. » Le château d’eau, c’est encore lui, comme le lotissement de la Gare de Lugos pour « densifier la population ».
« Ma tête est toujours là »
Jean-Paul Salefran a quatre enfants (Marie-Odile, Anne-Marie, Daniel et Michel), 22 petits-enfants, 97 arrières petits-enfants et deux arrières-arrières petits-enfants, éparpillés dans le monde entier. Son épouse Bernadette est décédée à 94 ans.
Aujourd’hui, À 107 ans, s’il se déplace avec un déambulateur, l’ex-maire assure que sa tête est « toujours là, comme si j’avais 20 ans ».
L’homme porte un regard lucide, voire critique, sur la société d’aujourd’hui : « Le monde a beaucoup changé. J’ai vécu dans un temps, où il n’y avait ni plastique, ni sécurité sociale, retraite, peu de voitures non plus ni d’électricité ou d’eau courante. Tout est arrivé peu à peu. Mais le changement qui m’a le plus marqué, c’est le développement d’Internet qui a transformé le monde. Aujourd’hui, tout le monde sait tout sur nous. La liberté, c’est fini ! Avant on connaissait son voisin, aujourd’hui on connaît le monde entier, mais plus son voisin. »
Il y a quelques jours, les enfants du conseil municipal lui ont rendu une petite visite. Intimidés, Soa Provost, Romane Bonnely, Léonie Tanchoux, Ocelie Pichelin et Liam Cailheton, lui ont parlé de leurs projets : parcours de santé, boîtes à livres, médiathèque, dos-d’âne…
Mobilisé, prisonnier et résistant
En 1939, Jean-Paul Salefran, mobilisé, rejoint le 2e régiment de hussards à Tarbes, au 16e Groupe de reconnaissance de corps d’armée. « Nous sommes partis à la frontière franco-allemande, entre la Sarre et les Ardennes. »
Le 20 juin 1940, il est fait prisonnier par les Allemands, mais profite d’un bombardement pour s’évader et rejoindre les lignes françaises. Trois jours après, le 23 juin 1940, « l’armistice est signé, mais nous combattons encore ». Il poursuit : « On nous a envoyés à Biffontaine, en attendant d’être renvoyés chez nous. Mais je n’avais pas confiance et, avec quelques hommes, nous sommes allés chez mes beaux-parents. Là, on est restés cachés dans leur cave pendant huit jours. Il y avait des Allemands partout. J’ai alors tenté un coup d’audace. Avec mon ami juif, nous sommes allés à la Kommandantur pour demander un laissez-passer pour rentrer chez nous. Nous avons expliqué au commandant que nous étions venus dans la région pour cause de maladie. Il ne voulait pas nous croire. « Vous êtes des hommes jeunes, donc des militaires ! », a-t-il dit. Je lui ai rétorqué que si nous étions des soldats, nous ne serions pas venus lui demander un laissez-passer. Il s’est mis à rire en disant : « C’est juste ! » Il nous a signés les documents demandés. » Les deux hommes sont rentrés chez eux, « à vélo, en quatre jours. Mon ami s’est arrêtéà Clermont-Ferrand chez ses parents et moi j’ai poussé jusqu’à Tarbes où j’ai été démobilisé. »
Blessé dans le Médoc
En août 1940, il est de retour à Lugos. En septembre, il rejoint la Résistance, « parce que la lutte continue ». Avec Marcel Besson et Gérard Douence, ils fondent le groupe franc Hostens-Lugos, sous la houlette du général d’Harcourt et du capitaine Jacquemet. Ce réseau fonctionne normalement jusqu’au 11 novembre 1942, date d’entrée des Allemands en zone libre. Le groupe compte 120 personnes, dont 60 prisonniers marocains évadés par leurs soins.
Le groupe franc participe à la libération de Saucats, La Brède, Léognan, Mérignac et Bordeaux. En novembre 1944, il s’intègre au 16e GR.Dl. sous le nom de 2e escadron. Il participe à la campagne du Médoc de novembre 1944 à mai 1945. Blessé au bras au cours d’une attaque contre les Allemands, en 1945, Jean-Paul Salefran revient à Lugos : « La guerre était finie pour moi. »
Pa. D.